Vous connaissez la TPD ? Il s’agit de la Tobacco Products Directive, c’est-à-dire l’ensemble des règles qui touchent à la fabrication, à la promotion ainsi qu’à la vente des produits relatifs au tabac et de ses produits connexes tels que la cigarette électronique ou les e-liquides. Or cette législation du tabac et de ses produits dérivés est sur le point d’être révisée par la Commission européenne et des bouleversements significatifs en découleraient sur le marché de la vape. Des bouleversements d’autant plus significatifs que, en dehors de cette révision de la TPD, d’autres mesures sont annoncées ou en discussion comme la fin de la commercialisation des pods jetables ou le remboursement des produits de vapotage par la Sécurité sociale.
Avec quelques-uns des changements en vue, des menaces planent sur la vape et les acteurs du secteur en France pourraient voir s’assombrir l’avenir de leur activité. Et que dire des vapoteurs qui seraient les premiers à pâtir de ces nouveautés ?
Quoi qu’il en soit, le sujet ne laisse pas la Fivape indifférente. Cette Fédération Interprofessionnelle de la Vape représente, depuis 2014, les fabricants d’e-liquides ainsi que les boutiques spécialisées dans la vente de produits rattachés à la cigarette électronique. Ce syndicat professionnel siège à la branche du CDNA (Commerce du Détail Non Alimentaire) et compte des centaines d’entités commerciales adhérentes au point de s’être imposé comme la fédération la plus représentative de ce secteur d’activité. La Fivape est d’ailleurs devenue l’interlocutrice privilégiée des pouvoirs publics dès qu’il s’agit d’évoquer la vape.
C’est pourquoi vapoter.fr a rencontré Jean Moiroud, son président depuis 2016 et fabricant d’e-liquides depuis 2012. Il exprime son avis sur les lois auxquelles songent les autorités et revient sur les actions mises en œuvre par la Fivape pour soutenir la cigarette électronique, le meilleur outil de réduction des risques liés au tabac. La pétition Merci la Vape constitue du reste l’une de ces actions. Elle est accessible sur le Web, a récolté des dizaines de milliers de signatures et entend protester contre des mesures susceptibles d’intégrer la règlementation à venir.
La Fivape face à la prochaine législation
La législation concernant le marché de la cigarette électronique n’est pas gravée dans le marbre. Elle peut être revue et des travaux allant dans ce sens sont en cours. Entre la TPD, le Plan Tabac 2023-2028 ou toute décision émanant des pouvoirs publics, à quoi pouvons-nous nous attendre ? Qu’est-ce que la Commission européenne, le ministère de la Santé ou toute autre institution ayant voix au chapitre pourraient concocter pour les vapoteurs et pour les professionnels de la vape ?
Une révision de la législation du tabac et de ses produits dérivés
A Bruxelles, la révision de la TPD est sur le tapis, si bien que certaines mesures envisagées sont connues. Les commissaires européens se penchent en effet sur des sujets tels que la contenance des flacons, les modalités d’étiquetage et de notifications, la vente en ligne, la diversité des arômes ou encore l’accès des mineurs à la vape, annonce Jean Moiroud pour qui la nouvelle directive ne sera pas entérinée en 2023. Les sujets traités relevant de la politique et les Etats membres de l’UE étant divisés, le processus n’aboutira qu’au bout de plusieurs années, selon lui.
Parmi les sujets étudiés, il en est toutefois un qui inquiète les acteurs du secteur : la diversité des arômes. Ce qu’il est convenu de nommer le flavor ban consiste à les interdire au sein des e-liquides en raison de leur caractère fruité, gourmand, mentholé ou autre. Seules subsisteraient les saveurs classics.
En fait, ces arômes sont vus par certains comme incitatifs. Ils pousseraient à vapoter et, par l’intervention d’un effet passerelle – dont l’existence n’a jamais été prouvée -, le consommateur en viendrait à fumer.
La Fivape ne montre donc aucun enthousiasme devant ce changement souhaité. Les propos de son président en témoignent, lui qui tient le flavor ban pour l’une des 2 principales menaces dont doit s’inquiéter la vape (l’autre étant les taxes maintenues à 20%). De notre côté, nous ne pouvons que lui donner raison. Il est évident que, faute d’arômes, les fumeurs hésiteront à se diriger vers la cigarette électronique et continueront de se frotter aux méfaits du tabac.
Une législation révisée à partir d’une consultation orientée
Pour réviser cette TPD, la Commission européenne a lancé, en février 2023, une consultation auprès de ceux qui s’investissent dans la lutte antitabac. Bruxelles a l’intention d’évaluer le cadre législatif de la lutte en question et de connaître les résultats des mesures prises. Or il n’en fallait pas davantage pour déclencher la colère de la Fivape. En effet, les questions posées sont orientées. Elles laissent entendre que la vape nuit à la santé et sont formulées avec l’intention d’établir un amalgame entre les produits du tabac et les produits du vapotage. Par exemple, ce questionnaire met la cigarette électronique, le tabac chauffé et les produits à fumer à base de plantes sur un pied d’égalité. Il passe également sous silence la capacité de la vape à réduire les risques du tabagisme.
Que cherche la Commission en usant de telles pratiques ? Tenterait-elle de durcir la règlementation du marché de la vape ? Toujours est-il que la Fivape a porté plainte le 9 mai 2023 contre la médiatrice européenne Emily O’Reilly pour la partialité de ces questions.
En portant plainte, l’objectif n’est pas de réaliser un coup de com’, pour reprendre une expression à la mode. Il est bon de dénoncer la partialité de la Commission européenne, mais la fédération espère surtout obtenir une reformulation de ces questions. La vape doit être traitée de façon juste en vue de la prochaine législation.
Les pods jetables prochainement interdits
Si l’avenir s’obscurcit pour les arômes, il s’obscurcit aussi pour les pods jetables, ces pods à usage unique nommés puffs. Il s’obscurcit depuis que la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé la présentation d’un nouveau plan national de lutte contre le tabagisme, lequel comprendra l’interdiction de ces cigarettes électroniques jetables. La probabilité que ces puffs soient interdites est donc élevée, reconnaît Jean Moiroud et, selon toute vraisemblance, cette interdiction deviendra effective d’ici la fin de l’année 2023.
En fait, 2 arguments motivent ce désir d’interdiction :
- La préservation de l’environnement puisque ces puffs à usage unique et pourvues d’une batterie augmentent la quantité des déchets et aggravent la pollution plastique
- Les puffs sont appréciées des jeunes et certaines personnes craignent un effet passerelle qui les amènerait à consommer du tabac
Cependant, Jean Moiroud insiste sur le fait que le public doit voir clair dans ce débat et détenir les bonnes clés de compréhension. Si interdire ces produits pour des raisons écologiques ne peut faire débat, leur impact sur la jeunesse doit être analysé au regard de l'âge moyen d’entrée dans la consommation de tabac (15 ans).
"Il vaut mieux détourner des jeunes du tabac avec un dispositif à risque réduit que de les laisser entrer de plain-pied dans la combustion ?" Jean Moiroud
N’est-ce pas une chance pour eux d’avoir la possibilité de vapoter plutôt que de fumer ? Ces questions doivent être posées correctement avant que des décisions ne soient prises sous le coup de l’émotion et qu’elles ne soient dictées par les craintes des parents.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a du vrai dans les propos du président de la Fivape. Du moment que ces jeunes utilisent une puff, ils ne fument pas de tabac et les études ont prouvé que l’effet passerelle n’existait pas. Autrement dit, la puff ne serait-elle pas le meilleur moyen de lutter contre le tabagisme chez les jeunes ? Le débat est permis.
Signalons tout de même qu’un produit de remplacement est apparu avec les puffs rechargeables. Celles-ci fonctionnent sur le même principe, à la différence qu’elles possèdent une batterie rechargeable à volonté et que leur cartouche est à jeter une fois vidée. L’environnement n’en est que mieux préservé tandis que l’avantage économique s’avère indéniable pour le vapoteur.
La cigarette électronique prescrite en pharmacie et remboursée : une bonne idée, mais…
En Grande-Bretagne, la cigarette électronique est reconnue par le corps médical comme un dispositif efficace contre le tabagisme. Cette reconnaissance officielle représente un grand pas pour la vape et elle pourrait s’étendre à la France depuis que François Braun, alors ministre de la Santé, a évoqué en mai 2023 la possibilité d’une prescription par les pharmaciens suivie d’une prise en charge par la Sécurité sociale. Le projet est à l’étude et pourrait intégrer le Plan Tabac 2023-2028.
Devant la perspective d’un remboursement, fumeurs et vapoteurs pourraient se réjouir, mais Jean Moiroud émet des réserves. L’idée part certes d’une bonne intention et, en plus de mener à une reconnaissance publique de la vape et de son efficacité, elle permettrait à de nombreux fumeurs de passer à la cigarette électronique gratuitement ou à un faible coût. Néanmoins, peu de kits et peu d’e-liquides peuvent être vendus en l’état actuel comme des dispositifs médicaux en pharmacie, souligne l’interrogé. Les produits sont aujourd’hui inadaptés pour des ventes de ce type et pareil projet ne peut être réalisé à la perfection dans un court délai. Jean Moiroud compte plusieurs années pour le voir se concrétiser dans de bonnes conditions.
Mais, autour de ce sujet, il est un point qui échaude le président de la Fivape. Instaurer une mise en vente en pharmacie reviendrait à prétendre qu’il existe des cigarettes électroniques médicalisées et d’autres récréatives. Les premières seraient, dans le système imaginé, accessibles en pharmacie, alors que les secondes le seraient en boutique. Or rien n’est moins vrai. La cigarette électronique a été créée à des fins de sevrage tabagique, donc à des fins sanitaires, et il ne s’agit en rien d’un outil ludique. La considérer ainsi ne peut que la discréditer. Son image n’en serait qu’écornée.
La Fivape passe à l’offensive
Certaines des mesures envisagées pouvant déboucher sur des conséquences fâcheuses, voire désastreuses, il est primordial, aux yeux de Jean Moiroud, de prendre la défense de la vape et en particulier devant la Commission européenne.
L’enjeu est de convaincre les décideurs français de se mobiliser pour défendre à Bruxelles le formidable outil qu’est la vape, déclare-t-il tout en expliquant les raisons qui empêchent la mise en place de politiques favorables à la cigarette électronique.
Effectuons un tour d’horizon de la question.
Une cigarette électronique qui n’est pas à son avantage dans l’UE
Jean Moiroud, lors de notre échange, a mis en lumière 2 raisons pour lesquelles la vape se voit désavantagée au sein d’une structure comme l’Union européenne.
Pour commencer, l’UE compte des pays qui entretiennent des liens assumés avec l’industrie du tabac ou qui affichent des taux de prévalence tabagique moins importants que d’autres. Pour ceux-là, la vape présente un intérêt moindre et la défendre n’a rien d’une priorité. Ensuite, le niveau de tabagisme diffère selon les pays d’Europe et il devient difficile de conduire une politique commune contre le tabac. La France, par exemple, enregistre un nombre considérable de fumeurs (11 millions) et se retrouve condamnée à subir le diktat d’une politique commune alors qu’elle a plus besoin de la cigarette électronique que certains de ses voisins européens.
La conduite d’une politique anti-tabac est une question de souveraineté, fait savoir Jean Moiroud.
Merci la Vape, l’arme de la Fivape
Pour la Fivape et pour son président, il est hors de question de baisser les bras face aux coups de boutoir assenés à l’e-cigarette. C’est la raison pour laquelle la Fédération Interprofessionnelle de la Vape déploie l’arsenal à sa disposition pour défendre les intérêts de la cigarette électronique et de ses adeptes.
Dans cet arsenal, il existe l’initiative Merci la Vape lancée avec Sovape, Aiduce et La Vape du Cœur. Jean Moiroud la décrit comme un support dynamique destiné à porter les actions de la Fivape sur l’année 2023, voire au-delà. Ce support prend la forme d’une pétition sur le Web (rendez-vous sur petition.vape.fr), réunit autant les professionnels indépendants de l’industrie du tabac que des associations engagées dans des actions citoyennes et permet de parler positivement de la vape tout en s’adressant au grand nombre. Les fortes taxes, les campagnes de dénigrement de l’e-cigarette, la désinformation dont souffre celle-ci et la suppression des arômes dans les e-liquides forment ses cibles.
Il est important, considère Jean Moiroud, de montrer en haut lieu qu’un mouvement citoyen peut s’incarner autour de la vape. Cela aiderait à ce que les parties prenantes abordent mieux le sujet du vapotage.
En tout cas, le chiffre de 100 000 signatures est visé. Jean Moiroud le juge ambitieux mais atteignable grâce à une mobilisation massive des professionnels. Dynamiser le compteur avant la campagne du Mois Sans Tabac constituerait d’ailleurs une excellente opération. Ensuite, viendront les publications et envois du livre blanc aux décideurs. Le contenu de ce dernier se basera sur les résultats de l'étude statistique qui suivra la pétition et donnera à lire les (magnifiques) commentaires recueillis.
La Fivape voit donc d’un mauvais œil ce qui s’annonce pour la vape et joue son rôle en défendant ses intérêts. Il faut monter au créneau afin que l’on cesse de confondre la cigarette électronique avec la cigarette classique sous prétexte que l’e-cig peut contenir de la nicotine. Rappelons qu’entraver l’action de la vape en l’accablant de mesures sévères équivaut à priver les fumeurs d’un appareil à même de limiter les effets du tabac. La cigarette électronique a donc plus que jamais besoin de soutien. La Fivape en est un.