Dès 2008, les utilisateurs de cigarette électronique insistaient sur le fait qu’ils ne fumaient pas. En effet, user d’une e-cigarette n’a rien à voir avec fumer du tabac et ces personnes ressentaient un besoin : celui de créer un vocable pour désigner l’acte d’inhaler puis d’expirer la vapeur émise par leur outil de sevrage tabagique. Aussi, sur un forum, un vote a offert la possibilité d’élire le verbe le plus indiqué pour parler de cette pratique et une soixantaine ont été proposés. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette liste contenait à boire et à manger.
D’abord, au vu des suggestions, nous pouvons nous réjouir que des mots comme exhaler, apprécier, chauffer, parfumer, désintoxiquer, rougeoyer ou humer aient été écartés tant ils n’expriment en rien le fait d’utiliser une cigarette électronique. Il s’agissait en plus de termes déjà existants et y recourir pour parler de vape aurait pu prêter à confusion avec leur sens premier.
Ensuite, ont également été suggérés des verbes dont la signification est difficile à comprendre : brouiller pour la vapeur qui s’assimile à du brouillard, mimétiser pour la reproduction par mimétisme du geste d’un fumeur, gadger car la cigarette électronique était considérée comme un gadget à l’époque ou ebuer car vapoter produit de la buée. D’ailleurs, certains verbes s’avéraient totalement incompréhensibles. Tel était le cas de fleurer, de smufer ou de boucaner.
Pour leur part, les francophiles peuvent applaudir au fait que des verbes issus de l’anglais aient été mis de côté. Parmi eux se trouvaient watercloper, smokeller, cigarhealth, steamer, foguer ou mister, ces 2 derniers découlant de fog et de mist qui signifient brouillard. A l’heure où l’on checke au lieu de vérifier, où l’on switche au lieu d’échanger, où les personnalités matchent au lieu de s’accorder, il est bon de privilégier notre langue.
Puis, des termes comme vapinhaler, électrofumer, électrumer ou gazinhaler ont intégré la liste des termes candidats aux côtés de vaspibuer, d’aspivaper, d’aérobroncher, de vapélectriser ou de vaporespirer. Nous saluons le degré d’inspiration et d’élaboration, mais ces termes apparaissent complexes pour un emploi quotidien. Quant à d’autres termes candidats tels que vapofumer ou le joli aspiroter, ceux-ci avaient leurs chances avant de se voir rejetés par les votants.
Enfin, il y a les verbes passés à la trappe car inappropriés pour parler de vapotage. Pourquoi dire clopiner alors qu’il ne s’agit pas d’utiliser une clope ? Pourquoi parler de fumiger alors qu’il ne s’agit pas d’expirer de la fumée ou pourquoi dire styloter alors que les e-cigarettes n’adoptent pas toutes la forme d’un stylo ?
C’est donc vapoter qui l’a emporté avec 22,82% des voix devant fluver (22,17%) et smoguer (19,54%). Il a même été élu mot de l’année en 2014 et a obtenu l’approbation des académiciens pour son évocation immédiate de la vapeur. Il est vrai qu’eciguer, ecigaretter ou le gracieux brumiser auraient pu convenir, mais ne portaient cette évocation en eux. Toutefois, des adeptes de la cigarette électronique préfèrent le synonyme vaper. Le suffixe ote peut, estiment-ils, dégager une note péjorative à l’image de camelote ou de gnognote. Toujours est-il que, une fois ce vote réalisé, vapoter s’est répandu au point d’entrer dans le langage courant, puis… dans le dictionnaire. Un honneur pour un néologisme.